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  1. Les amours de l’Aurore Eôs et de Tithon
  2. Éôs (mythologie)
  3. Dans la mythologie grecque, Éôs (en grec ancien ώς / Êốs) est une Titanide, déesse de l'Aurore.
  4. Mythe

  5. Elle est la fille des Titans Hypérion et Théia, et la sœur d'Hélios (le Soleil) et de Séléné (la Lune).
  6. Elle est mariée à Tithon, avec qui elle conçoit Memnon et Émathion. Le pseudo-Apollodore explique qu'elle subit la jalousie d'Aphrodite pour avoir pris Arès comme amant : elle est condamnée à être toujours amoureuse. Elle a ainsi de nombreuses liaisons, notamment Orion, Céphale et le dieu des vents Éole (ou bien Astraéos), dont elle a les vents Borée, Notos, Euros et Zéphyr, ainsi que les étoiles.
  7. Elle est la personnification de l'Aurore. Habitant aux bords d'Océan, qui enserre le monde habité, elle quitte la couche de Tithon à la fin de la nuit et, sur son char, elle s'élance vers le ciel pour annoncer aux dieux la venue d'Hélios, son frère. Chez Homère, elle accompagne celui-ci dans sa course. Inversement, le soir, elle descend de l'Olympe pour rejoindre sa demeure, accompagnée par les Heures. Chez les tragiques, elle est identifiée à Héméra, divinité du Jour.
  8. Elle est souvent affublée de l'épithète homérique « aux doigts de rose » (οδοδάκτυλος / rhododáktylos) ou encore « en robe de safran » (κροκόπεπλος / krokópeplos). Homère comme Hésiode la présentent également comme l'« enfant du matin » (ριγένεια / êrigéneia).
  9. Sur les vases Achéens, elle est représentée avec une paire d'ailes. Dans l'iconographie classique, elle est souvent couverte d'un voile et assise dans un char tiré par quatre chevaux.
  10. Tithon
  11. Dans la mythologie grecque, Tithon (en grec ancien Τιθωνός / Tithônós) est un prince troyen aimé par Éôs, déesse de l'Aurore.
  12. Mythe

  13. Il est le fils de Laomédon, roi de Troie, et le frère de Priam1.
  14. Comme son oncle Ganymède, il est d'une remarquable beauté, ce qui pousse Éôs (l'Aurore) à l'enlever2 alors qu'il fait paître ses troupeaux3. Elle en a deux fils, Memnon et Émathion4. Homère la décrit comme se levant tous les matins du lit de son époux5
  1. Dans l’Hymne homérique à Aphrodite, la déesse raconte à Anchise la misérable vieillesse de Tithon : Éôs demande pour lui l'immortalité, ce que Zeus accorde6. En revanche, elle oublie de réclamer également l'éternelle jeunesse – à moins qu'il ne s'agisse d'une omission volontaire de Zeus7 : Tithon, condamné à se dessécher sans fin, est finalement abandonné par Éôs8. Chez d'autres auteurs, il est finalement transformé en cigale9.
  2. Étymologie

  3. Le nom « Tithon » est probablement d'origine anatolienne10 ; il peut être rapproché de Ττώ / Tītố11, une déesse de l'aurore que mentionnent Callimaque12, Lycophron13 et Hésychios14. Il entre dans le langage courant des Achéens pour désigner ce qu'en français on appellerait un Mathusalem ; l'expression « Τιθωνο γρας », littéralement « une vieillesse de Tithon » désigne une vie qui s'éternise15.
  4. «  Tithon, tu es bien vieux ; autrement chasserais-tu ainsi de ta couche l'Aurore ta compagne ? 16. »
  5.  
  6. Tithon (personnage de la mythologie grecque), prince troyen, fils de Laomédon, et frère de Priam, était si beau que Eôs, l'Aurore l'enleva pour en faire son époux. Il la rendit mère de Memnon et d'Emathion. L'Aurore obtint pour lui de Zeus l'immortalité ; mais, ayant oublié de demander en même temps qu'il eût une jeunesse éternelle, Tithon devint si vieux et si faible qu'il fallut l'emmailloter comme un enfant. L'Aurore le métamorphosa en cigale. Il est à croire que Tithon avait quitté la Troade, son pays natal, pour s'établir dans une contrée plus orientale (la Susiane ou la Perse), ce qui fit dire aux poètes qu'il avait été enlevé par l'Aurore.
Tithon et Eos (l'Aurore)

Tithon et Eos (l'Aurore)

Tithon et l'Aurore (Eos)

Tithon et l'Aurore (Eos)

  1. Eôs (= Aurore) avait obtenu de Zeus que son amant Tithon (fils de Laomédon et père de Memnon) devînt immortel, mais n’avait pas demandé pour lui la jeunesse éternelle. En vieillissant il devint accablé d’infirmités. À la longue, Eôs l’enferma dans son palais, où il menait une existence misérable. Ce mythe est repris par Swift dans les Voyages de Gulliver. Homère, Iliade, XI, 1-2 et Odyssée V, 1-2 : « comme l’Aurore abandonnait le lit de l’éclatant / Tithon pour porter la lumière aux hommes et aux dieux…»
  2.  
  3. Memnon (mythologie)
  4. Dans la mythologie grecque, Memnon (en grec ancien Μέμνων / Memnôn, « celui qui tient bon1 ») est le fils d'Éôs (l'Aurore) et de Tithon, fils de Laomédon. Combattant du côté des Troyens pendant la guerre de Troie, il est tué en combat singulier par Achille.
  5. Son nom a été donné sous l'Antiquité au colosse de Memnon, une statue monumentale située près de Thèbes en Égypte, qui représente en réalité le pharaon Aménophis III.
  6. Mythe

  7. Memnon le fils d'Éôs (l'Aurore) et de Tithon2, fils de Laomédon, et donc le neveu de Priam, roi de Troie. Il est le roi des Éthiopiens3. Curieusement, il est représenté à l'époque archaïque comme ayant des traits achéens dans la céramique, bien que ses compagnons soient représentés avec des traits africains4. Par la suite, Virgile5 comme Ovide6 le mentionnent bien comme ayant la peau noire.
  8. Lorsque la guerre de Troie éclate, Memnon se présente spontanément aux Troyens7 ou, dans des versions plus tardives, est appelé par Priam8. Il quitte Suse, où il a établi son royaume9, et rejoint Troie où, revêtu d'une armure forgée par Héphaïstos10, il se mesure à plusieurs héros Achéens11, notamment le grand Ajax, qui parvient à le blesser. Un peu plus tard, il affronte Nestor et celui-ci appelle à l'aide son fils Antiloque, l'un des deux grands amis d'Achille avec Patrocle12. Antiloque sauve par son intervention la vie de Nestor mais est tué à sa place par Memnon. Achille, furieux, décide de venger son ami et engage le combat contre Memnon. Ce combat entre le fils d'Éôs et le fils de Thétis est arbitré par Zeus lui-même qui donne la victoire à Achille mais accorde à Éôs l'immortalité pour son fils.
  9. Le cadavre de Memnon est emporté par sa mère — ou, selon les versions, les Vents13 — en Éthiopie cependant que les Éthiopiens sont métamorphosés en oiseaux14. Selon la tradition grecque, les « Memnonides » (Philomachus pugnax) volent d'Éthiopie jusqu'à la tombe du héros, où ils se battent jusqu'à ce que la moitié d'entre eux ait péri15. Les larmes que verse l'Aurore sont les gouttes de rosée que l'on voit chaque matin16.
  10. Pour la plupart des auteurs, le tombeau de Memnon se situe à l'embouchure du fleuve Æsépos, sur les bords de l'Hellespont17. Selon d'autres versions18, il s'agit d'un simple cénotaphe, la véritable tombe se situant à Suse. D'autres encore nient qu'elle ait jamais existé19.
  11. Représentations littéraires

  1. Memnon n'apparaît pas dans l’Iliade. En revanche, il est cité à deux reprises dans l’Odyssée. La première fois, Pisistrate, fils de Nestor verse une larme en souvenir de « l'irréprochable Antiloque, / qu'avait tué l'illustre fils de la brillante Aurore20 » ; la deuxième fois, Ulysse fait de Memnon le plus beau des guerriers ayant pris part à la guerre de Troie21. Hésiode mentionne Memnon dans la liste des rejetons d'Éôs.
  2. L'histoire de Memnon est contée spécifiquement dans la Memnonide, d'auteur inconnu, et dans l'Éthiopide d'Arctinos de Milet — deux épopées du Cycle troyen aujourd'hui perdues. Le résumé que le grammairien Proclos (Ve siècle ap. J.-C.) de cette dernière œuvre indique qu'elle traitait de la mort de Memnon à Troie et de l'immortalité qu'Éôs obtient pour lui :
  3. « Memnon, fils d'Éôs, portant une panoplie forgée par Héphaïstos, arrive au secours des Troyens ; Thétis prédit à son fils l'issue du combat contre Memnon ; au cours de la bataille qui s'engage, Antiloque est tué par Memnon, puis Achille tue Memnon. Éôs étant venue supplier Zeus, confère l'immortalité à son fils22. »
  4. L’Éthiopide se concluait par la mort d'Achille devant les portes Scées.
  5. Le même récit est repris par Eschyle dans une trilogie tragique perdue, dont nous ne connaissons que deux titres et quelques extraits : Memnon et La Psychostasie23. Aristophane y fait allusion dans sa comédie les Grenouilles, raillant les « Cycnos et [l]es Memnons avec leurs coursiers aux caparaçons tintinnabulants24 » d'Eschyle. La pointe s'adresse probablement au début du Memnon : dans l'un des fragments conservés, Priam interroge le jeune homme, fraîchement arrivé à Troie, qui vient de se présenter comme natif d'Éthiopie ; visiblement, Priam ignore son identité, et lui demande davantage de renseignements25. La Psychostasie a pour sujet la suite de l'histoire de Memnon, c'est-à-dire le duel contre Achille. Apparemment, Zeus y fait une apparition en personne, ce qui est rarissime dans le théâtre grec : debout sur le theologeion, une sorte de plate-forme, le roi des dieux pèse le destin des deux héros26 ; peut-être les acteurs montaient-ils pour cette scène dans une balance géante, ou bien les âmes des deux guerriers étaient-elles représentées par des enfants, à l'image des eidôlon (effigies miniatures) représentées dans la céramique. Lors de la psychostasie, Thétis et Éôs implorent chacune le roi des dieux de laisser vivre son propre fils27.
  6. Les auteurs ultérieurs ne font guère que reprendre Arctinos de Milet ou Eschyle28 : Ovide mentionne la mort de Memnon et les lamentations d'Éôs dans les Amours et les Métamorphoses ; le pseudo-Apollodore lui consacre quelques lignes ; Quintus de Smyrne en fait le héros du livre II de sa Suite d'Homère.
  7. Représentations artistiques

  8. Comme tous les personnages issus du Cycle troyen, Memnon est fréquemment représenté par les artistes Achéens. Il est parfois représenté seul, escorté de serviteurs noirs, comme c'est le cas pour une amphore à col d'Exékias29 (v. 540-530 av. J.-C.) : Memnon, barbu et revêtu de son armure divine, est entouré de deux valets d'armes glabres et portant une massue ; sur l'autre face, le peintre montre le duel d'Achille et Penthésilée, autre scène tirée de l’Éthiopide.
  9. Le combat de Memnon et d'Achille est représenté pour la première fois sur une amphore mélienne de 650-630 av. J.-C. environ30 ; on le retrouve ensuite dans la céramique orientalisante et sur les vases à figures noires. On le trouve également sur la partie droite de la frise est du trésor de Siphnos (v. 525 av. J.-C.) à Delphes : les deux guerriers sont accompagnés respectivement par Énée et Ajax, et leurs mères assistent à la scène31. Enfin, le motif apparaissait sur deux œuvres d'art aujourd'hui disparues : le trône d'Apollon à Amyclées32 et le coffre de Cypsélos33.
  10. La scène de la psychostasie (pesée des âmes) d'Achille et Memnon est plus populaire que

    celle d'Achille et d'Hector, issue de l’Iliade34. On la trouve pour la première fois sur un dinos à figures noires de 540 av. J.-C. environ35, puis sur de nombreux vases à figures noires ou rouges36 ou encore sur la partie gauche de la frise est du trésor de Siphnos37. À l'exception de l'hydrie Ricci38, où Zeus tient le rôle principal, c'est Hermès qui tient la balance.

    Enfin, au début du Ve siècle av. J.-C. se répand la scène où Éôs emmène le cadavre de son fils. On la trouve par exemple sur une amphore à col à figures noires du Peintre de Diosphos39 mais surtout sur le médaillon d'un kylix peint par Douris et connu comme la « pietà de Memnon », par analogie avec le thème iconographique chrétien montrant la Vierge Marie portant le Christ mort. Une variante de la scène montre deux génies ailés, sans doute Hypnos et Thanatos, enlevant le corps40.

    Le nom de Memnon est donné sous l'ère romaine au colosse de Memnon à l'une des statues colossales du Temple des millions d'années d'Aménophis III, face à Louxor. Fissurée par un tremblement de terre, la statue présentait la particularité de chanter au lever du soleil. Pausanias explique ce nom parce que le héros, étant « parti de l'Éthiopie avec une armée, traversa l'Égypte et s'avança jusqu'à Suse41 ».

Le nom d'Ethiopie fut donné par les anciens Achéens aux pays du Sud, c.-à-d. de façon assez vague à tous ceux de l'Afrique; le mot d'Ethiopiens signifiait en grec quelque chose comme hommes brûlés par le soleil (aithô = brûler, ops = visage). Il se localisa pour désigner spécialement les populations du Sud de l'Egypte, du bassin supérieur du Nil, habitant entre le Sahara(Libye) et la mer Rouge (golfe Arabique). Tandis qu'Homère appelle les Ethiopiens les plus éloignés des habitants de la Terre, résidant depuis l'extrême Orient jusqu'aux régions du couchant, Hérodote applique ce nom aux gens du haut Nil. II discerne des Ethiopiens orientaux à cheveux lisses et des Ethiopiens occidentaux à cheveux crépus ; cette division est exacte : les premiers sont les Nubiens et autres peuples bruns que l'on réunit dans le groupe Chamites ; les autres, sont, pour faire court, les Noirs subsahariens. A partir du moment où les Achéens entrent en relations régulières avec l'Egypte, leurs connaissances s'étendent. Pour Homère, les Éthiopiens étaient un peuple largement mythique ; Hésiode parle déjà de leur roi qu'il appelle Memnon.

Guerre de Troie
  1. Le lendemain, Memnon, fils de Thiton et de l'Aurore, se montra à la tête d'une armée d'Indiens et d'Éthiopiens ; son arrivée fit beaucoup de bruit, car il avait rassemblé une si grande quantité de soldats de toute arme et de tout pays, qu'il surpassait l'espoir que Priam avait conçu de lui. La plaine autour de Troie, et partout où la vue pouvait s'étendre, était couverte d'hommes, de chevaux et d'armes brillantes. Memnon avait conduit une partie de ses troupes par le mont Caucase (06), et en avait confié à Phalas un aussi grand nombre, pour les lui amener par mer.
  2. La flotte mit à l'ancre devant Rhodes ; mais bientôt Phalas, s'apercevant que les Rhodiens étaient amis des Achéens, craignit que sa flotte ne fût incendiée par eux. Après être resté en cet endroit quelque temps, il partagea son armée navale en deux corps : l'un fut envoyé à Camire, et l'autre à Ialyse, villes opulentes et sûres. Cependant les Rhodiens pratiquèrent sourdement des intelligences avec les troupes qui étaient cantonnées dans leur voisinage. Ils accusaient Phalas de porter secours à Alexandre, qui l'avait lui-même cruellement offensé, en s’emparant des trésors de Sidon, sa patrie, dont il tua le roi et bon nombre de Phéniciens (07); et, pour exciter davantage l'armée à la révolte, ils faisaient envisager que c'était se rendre semblable aux barbares que de soutenir une cause si odieuse. Ils répandirent d'autres bruits non moins capables de produire l'effet qu'ils désiraient. Ce ne fut pas en vain, car les Phéniciens, qui étaient en grand nombre dans cette armée, ébranlés par les plaintes des Rhodiens, ou peut-être curieux de s'approprier les richesses qu'ils apportaient avec eux, poursuivirent Phalas à coups de pierre, et le tuèrent. Ensuite, répandus dans les villes dont nous avons parlé, ils partagèrent entre eux l'or, l'argent et les autres effets précieux.
Memnon et Penthésilée

Memnon et Penthésilée

  1. CHAPITRE V.
  2. Cependant le nombre prodigieux de soldats qui étaient venus avec Memnon ne pouvait être facilement contenu dans la ville ; ce prince fit donc tracer un camp dans une vaste plaine. Là, on exerçait les troupes à la manœuvre, suivant l'arme à laquelle elles étaient destinées. Comme ces soldats étaient de divers pays, ils avaient chacun des armes différentes, et une manière particulière de s'en servir ; les formes extrêmement variées de leurs boucliers et de leurs casques présentaient un aspect imposant.
  3. Quelques jours après, cette armée, qui brûlait du désir d'en venir aux mains, sort de son camp au lever du soleil, et, soutenue des Troyens et des autres alliés qui étaient dans la ville, s'avance au combat au signal donné.
  4. Les Achéens, de leur côté, disposés aussi bien que le temps le leur permettait, les attendirent, un peu intimidés à la vue d'un ennemi aussi nombreux et qui leur était inconnu.
  5. A peine fut-on à la portée du trait, que les Barbares poussèrent des cris horribles et discordants, et se précipitèrent sur nous comme un torrent : les nôtres, après s'être encouragés réciproquement, soutinrent avec assez de courage ce premier choc. Cependant les deux armées se reforment de nouveau, une grêle de traits est lancée de part et d'autre, et porte la mort dans tous les rangs.
  6. Le combat se soutenait assez également, lorsque Memnon, porté sur son char, et entouré des plus braves soldats de son armée, pénètre jusqu'au milieu des Achéens, tue ou renverse tous ceux qui ont l'audace de se présenter à ses coups.
  7. Nous avions déjà perdu beaucoup de monde, lorsque nos chefs, prévoyant que l'issue du combat ne leur serait point favorable, crurent qu'il serait plus prudent de se retirer, et cédèrent ainsi la victoire à l'ennemi.
  8. Ce jour-là même nos vaisseaux eussent été détruits ou incendiés, si la nuit, qui survint, n'eût empêché les ennemis de pénétrer dans nos retranchements : sans doute nous n'aurions pu les repousser, vu l'état d'épuisement où nous étions. En effet, autant nous eûmes la fortune contraire dans cette journée, autant Memnon montra de bravoure et d'adresse pour profiter de la sienne.
  9. CHAPITRE VI.
  10. Après cet échec, les Achéens tombèrent dans le plus grand accablement, et semblèrent avoir perdu toute confiance. D'abord, ils s'occupèrent du soin d'ensevelir les morts, ensuite ils s'assemblèrent pour aviser aux moyens de combattre Memnon. On fut d'avis de décider par le sort quel serait celui qui devrait le défier au combat.
  11. Agamemnon tire le nom de Ménélas, Idoménée le nom d'Ulysse, ainsi de suite ; le dernier qui resta fut celui d'Ajax fils de Télamon qui, à la grande satisfaction de toute l'armée, fut désigné par le sort. Les soldats, après avoir pris quelque nourriture; passèrent le reste de la nuit assez tranquilles.

Le lendemain, au point du jour, les Achéens sortent de leur camp, armés et en ordre de bataille ; Memnon, de son côté, accompagné des Troyens, n'avait pas moins fait de diligence que nous.

L'attaque commence sur toute la ligne ; un grand nombre de guerriers tombent de part et d'autre, ou sont mis hors de combat. Nous perdîmes ce jour-là Antiloque, fils de Nestor, qui s'était offert aux premiers coups de Memnon.

Bientôt après, Ajax, au moment qui lui paraît le plus favorable, s'avance au milieu des deux armées, et provoque le roi dans un combat singulier. Il avait d'abord recommandé à Ulysse et à Idoménée de bien se tenir en garde, et de le défendre contre toute surprise.

Memnon, voyant venir Ajax, descend de son char, et s'avance à pied contre lui. Les deux partis, flottant entre la crainte et l'espérance, attendaient avec impatience la fin du combat, lorsque Ajax, de son javelot, perce le bouclier du roi, et lui enfonce avec une vigueur étonnante son trait dans le flanc.

A cette vue, ceux qui accompagnaient Memnon, accourent à lui, et tentent de repousser Ajax. Achille voit leur intention, se présente à eux, et comme Memnon, privé de son bouclier, luttait encore contre la mort, il l'achève, en lui enfonçant sa lance dans la gorge.

CHAPITRE VII.

On ne s'attendait pas à une mort si prompte ; aussi le courage des ennemis s'affaiblit, et le nôtre augmenta en proportion.

Déjà les Éthiopiens, que nous pressons vivement, prennent la fuite, laissant sur la place une grande partie de leur monde.

Polydamas veut alors recommencer le combat : on l'entoure ; il est percé, dans les parties naturelles, d'un trait que lui lance Ajax. Glaucos, fils d'Anténor, en se battant contre Diomède, tombe sous les coups d'Agamemnon .

Vous eussiez vu alors, de tous côtés, les Troyens et les Ethiopiens éperdus et sourds à la voix de leurs chefs, fuir en désordre, tomber embarrassés par le nombre et la précipitation, et périr enfin écrasés sous les pieds de leurs propres chevaux.

Les Achéens, plus animés encore, les poursuivent, achèvent de les disperser, et les massacrent facilement au milieu de la confusion. La plaine autour de Troie est inondée de sang ; tous les lieux par où l'ennemi a passé sont jonchés de cadavres et d'armes brisées.

Durant cette journée Aréïos et Echemmon, fils de Priam, furent tués par Ulysse ; Dryops, Bias et Corython, par Idoménée ; Ilionée avec Philénor  périrent de la main d'Ajax fils d’Oïlée ; Thiestes et Thelestes , de celle de Diomède ; l'autre Ajax immola Antiphos, Agavos, Agathon et Glaucos  : Astéropée tomba sous les coups du redoutable Achille. Le carnage ne cessa que quand la lassitude et l'épuisement nous forcèrent à nous arrêter.

  1. CHAPITRE VIII.
  2. Les Achéens s'étaient à peine retirés dans leur camp, que des envoyés vinrent, de la part des Troyens, demander la permission d'ensevelir leurs morts. Cette demande leur ayant été accordée, ils rassemblèrent les corps. Chaque armée rendit à ses guerriers les honneurs particuliers à sa nation.
  3. Memnon fut brûlé à part ; ses cendres furent renfermées dans une urne, et rapportées en Éthiopie par des gens de sa suite .
  4. Les Achéens, de leur côté, lavèrent le corps d'Antiloque, et, après ce premier devoir, le livrèrent à Nestor, l'exhortant à soutenir avec courage ce coup funeste, suite inévitable de la fortune des combats.
  5. Les morts ensevelis de part et d'autre, les Achéens passèrent la nuit dans les festins et la joie, en comblant d'éloges Achille et Ajax, et portant leur valeur jusqu'au ciel.
  6. Les Troyens, au contraire, après cette cérémonie, restèrent en proie au désespoir. Ce n'était pas tant la douleur de la perte de Memnon, que la crainte de ce qui en résulterait, qui leur arrachait des larmes. En effet la mort de Sarpédon, suivie peu après de celle d'Hector, avait déjà abattu leur courage ; et lorsque la fortune semblait leur offrir un appui avec Memnon, sa perte leur enlevait jusqu'au dernier espoir. Aussi tant de malheurs arrivés leur faisaient-ils négliger jusqu'aux moyens de se relever.
  7. Défaite des Achéens par Troïlos, fils de Priam. Funérailles de Palamède. - Achille conseille aux Achéens de faire la paix. Malgré son refus de combattre, les chefs de l'armée sont d'avis qu'il faut pousser la guerre contre les Troyens. - Nouveau combat où Troïlos fait des prodiges de valeur. Diomède est blessé ainsi qu'Agamemnon. Trêve de six mois. Achille est à nouveau sollicité de combattre. - Les Achéens sont vaincus deux fois par Troïlos. Trêve de trente jours. - Nouveaux succès de Troïlos. Achille paraît sur le champ de bataille. Il est blessé par Troïlos. Quelques jours après, celui-ci est tué par Achille, qui est blessé de nouveau par Memnon. Achille tue ensuite Memnon. Déroute des Troyens. Trêve de trente jours. Funérailles de Troïlos et de Memnon.
  8. Les six mois de la trêve écoulés, les armées marchent l'une contre l'autre. Achille range ses Myrmidons et les envoie à Agamemnon, tout préparés au combat. Le choc devient plus terrible, et l'ardeur des combattants plus grande des deux côtés. Troïlos, à la tête de ses bataillons, fait un grand carnage des Achéens ; il poursuit les Myrmidons, se porte contre le camp, et tue ou blesse tous ceux qui s'opposent à son impétuosité : Ajax, fils de Télamon, est le seul qui l'arrête. Les Troyens s'en retournent triomphants dans leur ville. Le jour suivant, Agamemnon fait avancer toutes ses troupes, leurs chefs à leur tête. Les Myrmidons se rendent aussi sur le champ de bataille. Les Troyens, tout joyeux, s'avancent pour combattre. Nouveau combat, nouveau carnage, qui dure plusieurs jours. Troïlos renverse, met en déroute et poursuit les Myrmidons. Une trêve de trente jours parait alors nécessaire à Agamemnon ; il la fait demander à Priam ; elle lui est accordée. Pendant cet intervalle, tous les guerriers qui, dans les deux armées, ont perdu la vie, reçoivent les honneurs de la sépulture.
  1. CHAPITRE XXXIII.
  2. L'expiration de cette trêve fut suivie d'un combat non moins meurtrier que les précédents. Il y avait déjà quelques heures que le jour avait paru, lorsque Troïlos se montra sur le champ de bataille. Bientôt les Achéens éprouvent sa valeur : tous ceux qui se présentent devant lui sont renversés, taillés en pièces, et de tous côtés on ne voit que des bataillons en désordre, qui prennent la fuite en poussant de grands cris.
  3. Lorsque Achille voit ce héros insulter les Achéens, les poursuivre sans relâche, et les faire plier de toute part, il s'élance sur le champ de bataille ; Troïlos s'avance contre lui, l'attaque le premier et lui fait une blessure qui l'oblige à se retirer.
  4. On se battit sans interruption pendant six jours ; le septième, lorsque les deux armées, au plus fort du combat, prenaient la fuite chacune de son côté, Achille, que sa blessure avait empêché de se montrer pendant quelques jours, assembla ses Myrmidons, les harangua, et les exhorta à se jeter sur Troïlos. La plus grande partie du jour s'était écoulée, quand Troïlos, d'un air triomphant, parut à cheval à la tête des Troyens. A son aspect, les Achéens poussent un grand cri et prennent la fuite.
  5. Dans ce moment paraissent les Myrmidons ; ils se précipitent sur lui, et plusieurs d'entre eux reçoivent la mort de sa main. Dans la chaleur du combat, son cheval reçoit une blessure et tombe. Pendant qu'il fait des efforts pour se dégager, Achille survient et lui arrache la vie.
  6. Déjà le vainqueur entraîne son cadavre, lorsque Memnon accourt, le lui enlève, le blesse, et le poursuit dans sa fuite. Achille s'arrête et se retourne. Après avoir fait panser sa blessure, il revint au combat pour attaquer Memnon. Pendant quelques instants, ces deux guerriers se battent avec un succès égal : enfin le premier porte à son adversaire un coup mortel, suivi de plusieurs autres, non sans avoir lui-même été blessé. Après la mort du chef des Perses, l'armée troyenne fut mise en déroute, et tous ceux qui échappèrent à la poursuite des Achéens s'enfuirent dans la ville dont ils fermèrent les portes. Le lendemain, Priam envoya demander à Agamemnon une trêve de trente jours, qui lui fut accordée : il en profita pour faire à Troïlos et à Memnon de magnifiques funérailles. Les deux partis ensevelissent leurs morts.
Phalas, capitaine de l'armée navale de Sidon.

Phalas, capitaine de l'armée navale de Sidon.

Les Phéniciens de Phalas.

Les Phéniciens de Phalas.

Guerre de Troie
ARGUMENT DU CHANT II.

Les Achéens félicitent Achille de la victoire du jour précédent ; Thymœtès dans l'assemblée des Troyens, ne sait s'il faut résister à l'ennemi ou s'enfuir de Troie. Priam rassure le peuple, en promettant les secours de Memnon et de l'Ethiopie. Polydamas, pour mettre fin à la guerre, propose de rendre Hélène à Ménélas. Arrivée de Memnon. Les Troyens conduits par Memnon vont à l'ennemi & de leur côté les Achéens ont Achille à leur tête. Horrible carnage que font les deux héros ; ils en viennent aux mains et se blessent l'un et l’autre. Deux génies, l'un sinistre, se joint à Memnon ; l'autre propice, accompagne Achille qui tue enfin son rival. Déroute des Troyens.

Affliction de l'Aurore ; les zéphirs, par son ordre, emportent le corps de Memnon ; les gouttes du sang de ce guerrier sont recueillies par les immortels qui en forment un fleuve, dont les eaux se rougissent tous les ans au jour de la mort de Memnon. Les Ethiopiens portés sur un nuage, suivent leur roi jusqu'au lieu où les zéphirs le déposent. L'Aurore y vient pour le pleurer. Les Ethiopiens inhument leur roi, et sont changés en oiseaux qui combattent tous les ans sur le tombeau de celui qu'ils avaient pour chef avant leur métamorphose. L'Aurore à la persuasion des Heures remonte au Ciel avec les Pléiades, qui la devancent.

CHANT II.

Le Soleil de sa brillante lumière, dorait le sommet des montagnes. Les Achéens se livrant sous leurs tentes aux douces impressions de la joie, faisaient hommage de leur victoire à l'invincible fils de Pélée ; mais les Troyens accablés de tristesse, se tenaient renfermés dans la ville, et veillaient avec inquiétude à la garde des tours : à chaque moment ils craignaient d'y être forcés par l'impétueux Achille, d'être immolés à sa fureur, et de voir leurs maisons ravagées par les flammes.

Alors le vieillard Thymœtès fit entendre ces mots aux peuples consternés :

« Amis, quel bras puissant vous soutiendra désormais dans les combats ? Hector n'est plus, Hector l'unique, appui de ses concitoyens, n'a pu se soustraire aux rigueurs du sort ; nous l'avons vu tomber sous les coups d'Achille, dont la force égale celle des Dieux ; l'héroïne que nous regardions comme une déesse descendue du Ciel, la belliqueuse Penthésilée, l'effroi des autres Achéens, vient d'être la victime de cet implacable ennemi ; quelle est donc notre ressource ? Nous obstinerons-nous à repousser les assauts des Argiens, où fuirons-nous loin d'une ville qui va devenir leur proie ? Pour moi, je cesse de croire que nous puissions jamais triompher de nos rivaux, tant qu'ils seront commandés par le redoutable fils de Pélée ».

« O Thymœtès, répondit le roi Priam, ô Troyens, et vous fidèles alliés de mon peuple, quoi ! la frayeur vous ferait abandonner la ville ? Evitez, s'il le faut, de mesurer, dans un combat, vos forces avec celles de l'ennemi, mais du moins défendez les remparts jusqu'à l'arrivée du roi Memnon. Il vient à la tête des noires et immenses peuplades que nourrit l'Ethiopie.

Depuis longtemps j'ai envoyé des émissaires pour implorer son secours, il me l'a promis ; et au moment où je parle, il est peu éloigné de nos contrées. Suspendez donc une résolution que la crainte seule vous inspirerait ; eh ! quand nous serions privés du secours de ce héros, ne vaudrait-il pas mieux nous dévouer généreusement à la mort, que de traîner sous un autre Ciel les restes d'une vie languissante, que notre fuite couvrirait d'une honte ineffaçable ».

Ainsi parla le fils de Laomédon. Le sage Polydamas, bien loin d'applaudir à ses desseins, essaya de les combattre par ces réflexions :

« Puisque Memnon va faire tous ses efforts pour détourner les malheurs qui nous menacent, je désire qu'on l'attende ; mais nous défendra-t-il contre l'armée des Achéens aguerris ; et s'il tombe avec ses compagnons, sous les coups du Destin, sa mort n'entraînera-t-elle pas notre perte et celle de nos alliés ? Il n'est donc à propos ni de fuir dans des climats étrangers, ni de nous obstiner à défendre nos mus jusqu'à ce que nos ennemis les aient teints de notre sang. Je vois un parti plus certain ; essayons de satisfaire les Achéens : qu'ils reprennent Hélène avec tous les trésors qu'elle apporta de Lacédémone ; offrons même d'autres richesses à leur avidité. Il ne nous reste que ce moyen de prévenir la ruine entière de nos fortunes et l'embrasement de notre ville. Citoyens, rendez-vous à ma voix, et croyez que nul autre ne vous donnera de meilleurs conseils. Plût aux Dieux qu'Hector eût voulu m'écouter lorsque je m'efforçai de le retenir dans nos murs ! »

Les Troyens en secret goûtaient cet avis ; mais pénétrés de respect pour leur roi, et craignant de déplaire à Hélène, quoiqu'elle fût la première cause de leurs maux, ils gardèrent un profond silence. Pâris le rompt tout à-coup, il ose se répandre en injures contre Polydamas :

« Homme faible, lui dit-il, toujours agité par la frayeur, que tes discours expriment bien les sentiments d'un lâche! toi qui te vantes de nous guider par de salutaires conseils, tu nous proposes le plus pernicieux de tous. Caché dans tes foyers, demeure, je le veux, loin des combats, d'autres me suivront à la victoire, et par des efforts dignes de leur courage, mettront fin à cette guerre désastreuse. C'est par des exploits héroïques que les hommes doivent prétendre à la gloire, et tu n'as que la peur qui fait le partage des femmes et des enfants. Va, je ne compterai jamais sur toi, tu n'es propre qu'à décourager, nos jeunes guerriers ».

Le fils de Panthoos ne put laisser sans réplique ces paroles outrageantes, il n'appartient qu'au méchant dont l'âme est flétrie, de dissimuler lâchement, ou de flatter en public celui qu'il est prêt à déchirer en secret ; mais Polydamas ne craignit pas de faire hautement au fils du roi ces justes reproches : « O toi, le plus pervers des mortels, c'est de ta coupable audace qu'est née cette guerre trop malheureuse ; veux-tu donc en prolonger la durée jusqu'à ce que tes concitoyens soient égorgés et ensevelis sous les ruines de Troie? Ah! loin d'imiter ton féroce emportement, je préfère un parti qui nous dérobe, avec nos familles au sort accablant dont nous sommes menacés ».

Memnon, roi d'Ethiopie, chef des mercenaires.

Memnon, roi d'Ethiopie, chef des mercenaires.

Memnon noir, suivant la tradition latine, qui n'est pas logique, puisque son père est un Troyen, Tithon, le frère de Priam, et sa mère la déesse du jour, Eos, l'Aurore.

Memnon noir, suivant la tradition latine, qui n'est pas logique, puisque son père est un Troyen, Tithon, le frère de Priam, et sa mère la déesse du jour, Eos, l'Aurore.

Memnon, un nouvel Hector.

Memnon, un nouvel Hector.

Memnon, un nouveau champion pour défendre Troie.

Memnon, un nouveau champion pour défendre Troie.

Memnon et sa panoplie.

Memnon et sa panoplie.

Memnon noir.

Memnon noir.

Enfin Memnon paraissant à la tête de ses nombreux Ethiopiens, rend la confiance aux Troyens abattus. Tel le nautonier fatigué de lutter contre la tempête, sent renaître son espoir et ses forces, lorsqu'un nuage épais ne dérobe plus à ses regards l'étoile qui doit le guider ; ainsi les Troyens et leur roi semblent de nouveau respirer à la vue de Memnon ; ils croient que des troupes aguerries, commandées par un chef puissant, vont bientôt réduire en cendres toute la flotte ennemie.

Au milieu d’un festin dont les délices furent augmentés par les charmes de la conversation, Priam combla de présents et d’honneurs l’illustre fils de l’Aurore ; il lui nomma les Troyens qui s’étaient le plus distingués dans les combats, et fit un récit touchant de ses propres malheurs.

Memnon vanta l’auguste origine de ceux qui lui avaient donné le jour : c’était Tithon et la divine Aurore. Il raconta comment celle-ci avait accordé à son époux une vie qui devait s’étendre à tous les siècles ; il parla de l’immensité des plaines liquides où règne Téthys, des extrémités du monde et des lieux où le Soleil sort du sein d’Amphitrite. Il décrivit tous les pays qui se trouvent depuis l’Océan jusqu’à Troie, il n’oublia aucune des nations qui habitaient ces contrée ; il dit comment il avait taillé en pièces la formidable armée des Solymes, qui s’étaient opposés à son passage.

Le vieillard l’écoutait avec tous les signes d’une âme satisfaite, et pour exciter d’avantage sa valeur guerrière : « Jeune prince, lui dit-il, en le flattant de la main, puisque les Dieux ont conduit ton armée dans l’enceinte de nos murs, puisqu’ils veulent que je te reçoive aujourd’hui dans mon palais : puissent les Achéens immolés par ton bras payer de leur sang les maux qu’ils nous ont faits ! goûte maintenant les doux présents de Dionysos, demain les armes t’ouvriront la carrière de la gloire, et la mort sur tes pas moissonnera les ennemis de mon peuple. Parmi les héros de la terre, il n’en est point de plus semblables que toi aux Immortels ».

A ces mots, il salue son hôte et lui présente une large coupe d’or massif. Héphaëstos l'avait offerte au souverain des Dieux, lorsqu'il épousa la beauté divine que l'heureuse Chypre vit naître sur ses bords. Zeus en enrichit Dardanos sorti de son sang, qui l'a fit passer à son fils Ericthônios. Trôs, issu de ce dernier, l'a transmis avec tous ses trésors à son fils Ilos ; enfin Laomédon l'hérita de ce roi, son père, et Priam qui l'avait reçue de Laomédon, la destinait à Hector, si les Dieux n'en eussent autrement décidé.

Memnon prend en main ce vase précieux, et content d'en admirer la beauté : « Ce n'est point, dit-il, au milieu d'un repas qu'il convient de vanter son courage et de promettre de grands exploits. Bornons-nous à la jouissance tranquille des plaisirs du moment, demain vous jugerez de ma bravoure.

C'est dans les champs d’Arès que le guerrier doit montrer ce qu'il vaut ; le calme présent et les ombres nous invitent au sommeil ; que cette nuit ne soit point marquée par nos excès. Aux approches d'un combat, tout chef prudent doit s'interdire et les veilles et le vin ».

Priam, charmé de la sagesse du jeune héros, lui répond en ces termes : « Fixe à ton gré la durée du repas, je ne dois point contrarier tes désirs : la même loi qui défend de retenir à table un convive malgré lui, ne veut pas qu'on le presse de s'en éloigner lorsqu'il y demeure ». Aussitôt Memnon sort de la salle du festin, et suivi des autres guerriers, il va goûter pour la dernière fois les douceurs du sommeil.

Cependant les Immortels rassemblés dans le palais du maître de la foudre, savouraient le nectar et l'ambroisie. Le père des Dieux, à qui tout est présent, traçait d'avance les horreurs du combat : « Sachez, leur dit-il, que demain la mort de ses mains cruelles abattra des milliers d’Achéens et de Troyens ; vous verrez les soldats massacrés, étendus avec leurs chevaux, dans la poussière, et les chars renversés sur les mourants. Pendant cet affreux carnage, qu'aucun de vous ne vienne embrasser mes genoux ; qu'aucun ne me sollicite en faveur des héros qui doivent périr dans la mêlée ; les destins sont immuables, il n'est pas en mon pouvoir de les fléchir ».

L'événement n'était point ignoré des Dieux ; mais par ces paroles, Zeus leur défendait de prendre part à l'action, ou de venir aux pieds de son trône implorer inutilement sa puissance en faveur d'un fils chéri ou d'un guerrier protégé. A cet arrêt du souverain de l'Olympe, les Dieux saisis de respect restent dans un morne silence, et se retirent dans leurs demeures où le doux sommeil ferme leurs paupières.

Déjà l'aube a blanchi l'Orient, et la première clarté du jour qui rappelle au travail le diligent moissonneur, a frappé la cime des montagnes. Le fils de l'Aurore quitte la couche où Morphée vient de lui prodiguer ses pavots. Tout bouillant d'ardeur il voudrait hâter le moment du combat ; mais l'Aurore ne remonte qu'à regret sur son trône dans les voûtes Ethérées.

Les Troyens se hâtent de se revêtir de leurs armes. On voit avec les Ethiopiens divers peuples alliés qui ont uni leurs forces à celle du fils de Laomédon. Tous se rassemblent devant les murs de la ville. Tels des nuages épais se pressent et s'accumulent dans les espaces de l'air, lorsque le fils de Cronos appelle les noires tempêtes : telles encore se répandent comme la grêle ou la pluie, ces nuées de sauterelles qui portent la désolation dans les campagnes ; ainsi les troupes nombreuses de Priam couvrent les champs Phrygiens, la terre retentit sous leurs pieds agités, et d'épais tourbillons de poussière s'élèvent jusqu'aux cieux.

Les Achéens surpris de voir l'ennemi prêt à les attaquer, courent aux armes ; mais toute leur confiance était dans l'invincible fils de Pélée. Assis sur son char et pressant ses coursiers agiles, il s'avance au milieu des siens avec la fierté de ces Titans, qui jadis ébranlèrent le trône même de Zeus.

L'éclat de son armure éblouit tous les yeux. Tel sorti des extrémités de l'Océan, Hélios enflamme les airs, embellit le séjour des humains, et donne à la nature entière une face riante et nouvelle : tel l'illustre fils de Pélée se montre à la tête des Achéens animés par sa présence. Au milieu des Troyens, Memnon ne semble pas moins formidable que le dieu Arès lorsqu'il veut assouvir sa rage sanguinaire. Autour de ce chef intrépide se rangent tous les peuples disposés à marcher sur ses pas.

Memnon, héros formidable aux origines illustres.

Memnon, héros formidable aux origines illustres.

Guerriers éthiopiens.

Guerriers éthiopiens.

Déjà s'ébranlent les phalanges serrées des deux partis. On distingue surtout les noirs Ethiopiens. Le choc commence avec un bruit épouvantable ; on croit entendre les mugissements de la mer en courroux, lorsque des vents orageux et contraires soulèvent de toutes parts les flots irrités ; le fer étincelant, rencontre partout des victimes. Le tumulte et les cris de la douleur portent dans tous les rangs le désordre et l'effroi.

Comme les éclats de la foudre, mêlés au bruit des torrents grossis par la pluie, semblent ébranler et la terre et les cieux ; ainsi résonnent les vastes plaines sous les pas des guerriers, en même temps que l'air est frappé de leurs cris. Achille renverse Thalios et Menthès, également distingués par leur valeur ; il précipite mille autres avec eux, dans le noir séjour des ombres, aussi subitement qu'un vent impétueux renfermé dans le sein de la terre, la soulève tout-à-coup, et engloutit tout ce qui couvre sa surface.

D'un autre côté Memnon semblable à ces fléaux destructeurs qui menacent la vie des infortunés mortels, se jette sur les Achéens, et laisse parmi eux des traces sanglantes de sa fureur. Il blesse d'un javelot à la poitrine, le vaillant Phéron, et perce d'un autre le brave Erythos. Ces deux guerriers conduits par Nestor, étaient venus de Thrion, leur patrie, sur les bords de l'Alphée.

Il tourne aussitôt ses armes contre Nestor lui-même. Pour arrêter la colère du vainqueur, Antiloque dirige contre lui sa longue pique ; mais le coup esquivé par Memnon, terrasse à côté de lui Pyrrasos, l'un de ses plus fidèles Ethiopiens ; irrité de cette perte, et non moins impétueux que le lion qui attaque un sanglier exercé à se défendre contre les chasseurs ou contre les hôtes féroces des bois, le fils de l'aurore se jette sur Antiloque. Celui-ci le voyant approcher, lance contre lui une pierre énorme, que l'épaisseur du casque de son ennemi rend inutile. Memnon frappé n'en devient que plus furieux ; il se jette une seconde fois sur Antiloque, et lui perce le sein d'un dard aigu, qui pénètre jusqu'au cœur, où les plus légères atteintes sont toujours suivies d'une mort rapide.

La chute d'Antiloque consterne tous les Achéens. Nestor, en le perdant, est saisi de la plus vive douleur, et la fermeté de son âme le soutient à peine. Quel spectacle pour un père, de voir égorger sous ses yeux un fils tendrement chéri ! Il appelle auprès de lui son autre fils.

« Viens, Thrasymède, tu connais le meurtrier d'Antiloque, viens-le combattre, sauvons les dépouilles de ton frère, ou périssons avec lui. Si la frayeur en ce moment pouvait te retenir, tu ne serais pas de mon sang, tu ne serais pas le sang de Périclymène qui osa se mesurer avec Héraclès. Réunissons nos efforts : les bras les plus faibles, armés par la nécessité, deviennent puissants et redoutables ».

A la voix tremblante de son père, Thrasymède s'enflamme. Phérée, non moins touché du malheur d'Antiloque, s'offre à venger sa mort. Tous deux fondent sur Memnon, qui les repousse avec vigueur. Tel l'ours ou le sanglier, pressé par les chasseurs, exerce contre eux toute sa rage ; tel le prince intrépide déploie contre ses deux agresseurs, tout ce qu'il a de force et de bravoure, et l'Aurore détourne avec soin les coups qu'on lui porte. Cependant les traits lancés par les deux guerriers, ne furent pas tous inutiles. Phérée perça Polymnios, fils de Mégasos, et Thrasymède vengea la mort de son frère par celle du Troyen Laomédon mais comptant sur sa supériorité, le fils de l'Aurore au mépris de ses deux adversaires, ose en leur présence détacher les armes du corps d'Antiloque. Ceux-ci craignent de l'approcher, et restent immobiles, ainsi que deux loups qui poursuivent un cerf, s'arrêtent au seul aspect du lion.

En vain Nestor gémissant de leur faiblesse, implore-t-il le secours d'autres guerriers ; ses cris ne sont plus écoutés : Du haut de son char, il essaye de combattre lui-même. Son désespoir lui donnait un courage au-dessus de ses forces, et il aurait perdu la vie, si Memnon n'eût respecté en lui le contemporain de son père. « O Nestor! lui crie-t-il ; ton âge me défend de répondre à tes attaques ; que n'as-tu encore ta première bravoure, je triompherais d'un ennemi digne de moi ; mais fuis maintenant ces lieux où tu as vu périr ton fils, ne me force pas à te frapper du même coup. Tu flétrirais ta gloire en attaquant témérairement un guerrier plus puissant que toi ».

« Vains discours, répliqua Nestor, un père est-il téméraire, quand il combat pour venger la mort d'un fils, et pour arracher ses dépouilles des mains de son meurtrier ? Que ne puis-je rappeler la Vigueur de mes premiers ans ! tu me vantes tes forces et ta jeunesse !

Ah ! si l’âge ne m'avait point glacé, tu ne me provoquerais pas impunément, et tes amis ne te féliciteraient pas longtemps de ta puissance. Tu me méprises aujourd'hui que tu me vois courbé sous le poids de mes nombreuses années. Semblable au lion décrépit, dont la gueule n'est plus armée de dents terribles, et dont l'ardeur est tellement amortie, qu'un seul dogue ose le poursuivre et le chasser de la bergerie. Ne méconnais pas au moins les avantages précieux que me donne la vieillesse, et qui m'élèvent bien au-dessus des autres hommes ? »

Memnon durant la guerre de Troie.

Memnon durant la guerre de Troie.

Antiloque protège son père, Nestor, de l'attaque de Memnon, mais il est tué à sa place.

Antiloque protège son père, Nestor, de l'attaque de Memnon, mais il est tué à sa place.

Memnon tue Antiloque.

Memnon tue Antiloque.

Memnon tue Antiloque.

Memnon tue Antiloque.

Duel d'Ajax et de Memnon.

Duel d'Ajax et de Memnon.

Duel d'Ajax et de Memnon, aidé par Hélios, son oncle.

Duel d'Ajax et de Memnon, aidé par Hélios, son oncle.

Les exploits de Memnon.

Les exploits de Memnon.

Nestor en achevant ces paroles, se retire avec la douleur de laisser Antiloque étendu parmi les morts. Ses membres affaiblis par une longue carrière, ne secondaient plus son courage. Sa retraite forcée, entraîne celle de Thrasymède, de Phérée, et des autres chefs qui ne purent résister au redoutable Memnon. Tel se déchaîne un torrent grossi par les pluies subites que versent des nuées chargées de la foudre ; ses eaux précipitées du haut des montagnes, ravagent les champs fertiles, et font retentir les collines, du bruit des flots bouillonnants. Tel sur les champs Phrygiens et sur les rives de l'Hellespont, le fils de l'Aurore porte avec lui la terreur et le carnage ; il inonde les plaines du sang ennemi. Les valeureux Ethiopiens secondent sa fureur. Dans un moment le champ de bataille est couvert d'une multitude de cadavres. Memnon se croit le fléau des Achéens, et l'appui des Troyens ; il n'est que le jouet d'un destin perfide que lui prépare, au milieu de ses succès, une fin déplorable.

Ceux des Ethiopiens qui se signalèrent davantage, furent Alcyonée, Nychios, le vaillant Æsion, le brave Ménéclès, Alexippe, Cladon, et plusieurs autres chefs. Enflés de la victoire qui semble se déclarer pour leur roi, ils combattent avec une ardeur nouvelle : Cependant le terrible fils de Pélée tue Ménéclès qui avait pénétré dans l'armée des Achéens. Irrité de cette perte, Memnon égorge une foule d'ennemis, de même que le chasseur, secondé par ses chiens, fond à coups d'épieu sur les faons légers, que ses compagnons ont poussés vers les toiles tendues dans les déniés des montagnes ; ainsi le fils de l'Aurore, soutenu par ses compagnons fidèles, enveloppe les Achéens et les taille en pièces ; saisis d'effroi, ils prennent la fuite à son aspect. Tels des troupeaux de brebis et de génisses, s'épouvantent et se dispersent à la chute subite des quartiers d'un roc escarpé, qui, détachés par la foudre, tombent avec fracas, et se brisent en roulant, jusques dans les vallées profondes ; tels les Argiens effrayés reculent devant le redoutable Memnon.

En ce moment, accablé de la perte de son cher Antiloque, Nestor s'approche du fils de Pélée. « Tu vois, lui dit-il, un père malheureux qui vient d'être témoin de la mort de son fils. Memnon, son meurtrier, emporte ses armes, et va livrer son corps aux plus vils charognards. Hâte-toi de venir à son secours ; il est beau de servir un ami, même après qu'il a cessé de vivre ».

Ces paroles font sur le fils de Pélée l'impression la plus vive ; il abandonne aussitôt la poursuite des Troyens qu'il avait déjà vaincus, et les phalanges qu'il était prêt à attaquer. La vue du corps d'Antiloque et des autres Achéens renversés, le transporte de colère. Memnon le voyant venir vers lui, arrache un terme d'une grosseur prodigieuse et le lance contre son bouclier. Achille qui avait laissé ses coursiers hors du champ de bataille, loin de reculer, court sur son adversaire et le frappe d'un long trait à l'épaule droite : cette blessure rend Memnon plus furieux ; armé d'une forte javeline, il perce au bras le vaillant Eacide, le sang jaillit aussitôt, et le fils de l'Aurore croyant toucher au moment de son triomphe :

« Expire sous mes coups, s'écrie-t-il, ô toi l'ennemi des Troyens, toi qui te glorifies d'être le plus vaillant des héros et d'avoir pour mère la première des Néréides.

Ma naissance est plus divine que la tienne : fils de l'immortelle Aurore, qui confia aux Hespérides le soin de mon enfance, puis-je redouter celui qui reconnaît pour mère la fille des eaux ? Quoi ! l'oiseuse Thétis, confondue dans les abîmes de l'Océan, avec le peuple muet des ondes, est-elle à comparer aux divinités célestes, à l'Aurore, qui réjouit de sa lumière et les dieux et les hommes ; à l'Aurore, qui préside aux travaux des mortels, et en hâte le succès par ses bienfaits ».

« O insensé, répondit Achille, viens tu chercher sous mes coups le trépas que les destins te préparent ? comment oses-tu me disputer l'avantage de la naissance et de la bravoure ? Ne suis-je pas issu du grand Zeus ? son sang auguste ne coula-t-il pas dans les veines d’Eaque, père de Pélée, dont je me flatte d’être issu ? et quelle gloire n'environne pas Thétis ? Elle retira dans ses demeures Dionysos poursuivi par Lycurgue, le plus injuste des princes ; elle offrit un asile au dieu industrieux précipité de l'Olympe, elle délivra de ses chaînes le Dieu même du tonnerre. C'est à ces titres que ma mère est honorée des Immortels qui approchent le trône de Zeus. Vas, tu ne douteras plus de son pouvoir quand j'aurai plongé dans tes flancs la lance que je tiens de mon père. Cette lance a déjà immolé le meurtrier de mon fidèle Patrocle, je veux qu'elle me venge de la perte du fils de Nestor ; il fut mon ami, trouverait-il en moi un défenseur timide ? Mais à quoi bon cet inutile langage ? Ne vantons ni la noblesse de notre origine, ni nos premiers exploits ; il faut qu’au champ d'honneur la force et la bravoure décident entre de nous la victoire ».

A ces mots ils s'arment d'une longue épée, Memnon fait briller la sienne, les deux guerriers s'élancent l'un sur l'autre, et se portent mille coups qu'ils parent de leurs boucliers, chef-d’œuvre de l'art d’Héphaëstos. Ils combattent de si près qu'on voit s'entremêler les aigrettes flottantes de leurs casques. Zeus, favorisant également ces deux chefs, les rend infatigables, et plus semblables à des dieux qu'à des hommes. La Discorde sourit de leur animosité : ils cherchent au fer tranchant un passage tantôt entre le casque et le bouclier, tantôt entre la cuirasse et les cuissards ; le bruit de leurs armes mêlé aux cris des Troyens, des Ethiopiens et des Achéens éclate dans les airs. La poudre élevée par les mouvements précipités des combattants, répand au loin, l'obscurité. De même que d'épaisses ténèbres, favorables au loup ravisseur enveloppent la terre, tandis que des pluies orageuses forment des torrents et creusent des ravins ; ainsi des tourbillons de poussière dérobent aux deux armées la lumière du Soleil, et des milliers de soldats périssent dans cet affreux désordre.

Bientôt quelqu'un des Dieux rendant à l'air sa clarté, les nations rivales, dont les Moires cruelles excitent la haine, combattent avec un nouvel acharnement.

Arès assouvit sa rage meurtrière ; la mort insatiable saisit partout sa proie ; la plaine regorge de sang, et la terre est jonchée de cadavres depuis les rives du Xanthe jusqu'à celles du Simoïs, depuis le pied du mont Ida jusqu'aux bords de l'Hellespont.

Cependant les efforts des deux chefs fameux rendaient la victoire incertaine, et les dieux de l'Olympe fixant sur eux des regards satisfaits, admiraient la bravoure du fils de Pélée ou celle du fils de l'Aurore et de Tithon.

Achille et Memnon.

Achille et Memnon.

Combat d'Achille et de Memnon.

Combat d'Achille et de Memnon.

Le combat d'Achille et de Memnon.

Le combat d'Achille et de Memnon.

Memnon blessé par Achille.

Memnon blessé par Achille.

Achille tue Memnon.

Achille tue Memnon.

Les voûtes célestes et les rivages de la mer retentissaient du choc des armes des deux héros, et les champs phrygiens s'ébranlaient sous leurs pieds ; dans les palais de Thétis, toutes les Néréides tremblaient pour les jours d'Achille ; du haut de son char radieux, l'Aurore envisageait avec effroi le danger qui menaçait la vie de Memnon : les craintes de cette déesse alarmaient les filles du Soleil, placées par Zeus dans l'orbe admirable que cet astre immortel doit parcourir pour marquer les jours et les ans, la naissance et la destruction des êtres, le temps et l'éternelle révolution des siècles.

Parmi les autres Immortels, la division était sur le point d'éclater ; mais elle fut promptement apaisée par la puissance de celui qui commande à la foudre. Deux génies sont envoyés sur son ordre : l'un noir et sinistre s'attache à Memnon, l'autre propice et bon se repose sur le fils de Pélée ; les Dieux attentifs remplissent tout l'Olympe de leurs voix : les uns témoignent leur allégresse, et les autres frémissent de dépit.

Non moins furieux que ces géants, jadis révoltés contre le Ciel, les deux rivaux également acharnés au combat n'aperçoivent point les Génies qui sont à leurs côtés, soit qu'ils se servent de l'épée, soit qu'ils se lancent des pierres d'une grosseur énorme, ils demeurent non moins inébranlables que la cime d'un roc élevé qui brave les tempêtes. Leur courage paraît digne du sang de Zeus, dont ils se glorifient d'être sortis ; Bellone prend plaisir à prolonger la durée de cette lutte sanglante, et à balancer longtemps entre les partis opposés, l'espérance de la victoire.

Chacune de ces armées soutenues par son chef tente un dernier effort. Les guerriers se fatiguent, la pointe de leurs lances s'émoussent sur leurs boucliers ; tous les soldats sont couverts de blessures ; la sueur et le sang ruissèlent de leurs membres épuisés ; et le champ de bataille est rempli de corps morts : ainsi le Ciel se charge de nuages, lorsque le retour du Soleil au signe du Capricorne, annonce aux navigateurs la saison des tempêtes.

Les chevaux vivement poussés foulent de leurs pieds, et les morts et les mourants, en aussi grand nombre qu'on voit sous les arbres à la fin de l'automne les feuilles flétries par le souffle glacé d'Aquilon.

Au milieu de cet affreux carnage, les deux héros enfants des Dieux s'attaquent avec une ardeur nouvelle ; mais la balance entre les mains de la Discorde, cessant d'être égale, Memnon est blessé par Achille d'un coup d'épée qui lui traverse la poitrine et en fait jaillir en abondance un sang noir et fumant. Aussitôt la vie, ce doux présent des Dieux, fuit loin de lui. Il tombe, le bruit de son armure éclate dans les airs, et la plaine frémit à sa chute.

Ceux qui l'entourent sont frappés de terreur, les Myrmidons s'emparent de ses dépouilles, une partie de son armée se disperse, Achille comme un tourbillon impétueux fond sur les Troyens fugitifs.

Alors la fille de l'Air s'enveloppe de voiles sombres, et laisse la terre dans d'épaisses ténèbres. Les vents dociles à la voix de leur mère se précipitent d'un vol rapide vers les champs de Troie, où ils environnent le corps de Memnon pour l'enlever avec eux dans les espaces célestes. Là, ils gémissent sur le sort déplorable de leur frère, et la voûte des cieux est frappée de leurs accents lamentables.

Les Immortels voulant consacrer à la vénération de la postérité la plus reculée, toutes les gouttes du sang que Memnon avait répandu, les recueillirent avec soin, et en formèrent un fleuve qui porte aujourd'hui le nom de Paphlagonéios parmi les peuples qui habitent les vallées de l'Ida. Quand le cercle des ans ramène le jour fatal de la mort du héros, le fleuve, roulant des eaux teintes de sang, exhale des vapeurs fétides, assez semblables à l'odeur infecte que répand un ulcère invétéré.

Pendant que les Zéphyrs soutiennent le fils de l'Aurore à une moyenne distance de la terre, les Éthiopiens ne demeurent pas séparés de leur chef. La déesse secondant le désir qui les anime, leur communique dès ce moment cette vitesse incomparable qu'ils eurent depuis sous une nouvelle forme, pour voler dans les airs. Tels de fidèles animaux accompagnent avec des hurlements plaintifs, le corps déchiré de leur maître, qu'emportent les chasseurs affligés, au retour d'une chasse malheureuse, où le lion et le sanglier ont exercé leur rage meurtrière ; tels les Éthiopiens, portés sur un nuage, et devenus aussi légers que les vents qui enlèvent leur roi, le suivent avec tous les signes d'une douleur profonde, laissant les Achéens et les Troyens, également étonnés de les avoir vus disparaître.

Les Zéphyrs déposèrent le corps de Memnon sur les rivages enchantés, où l'Æsèpos roule ses eaux profondes. Tout auprès du fleuve était un bosquet délicieux et chéri des Nymphes, où à l'ombre de mille arbustes, elles érigèrent un monument superbe à là gloire du héros. Plusieurs autres déesses partagèrent les regrets et la tristesse de la fille de l'Air.

Dès que le flambeau du jour fut éteint, l'Aurore descendit, accompagnée des douze filles du Ciel, dont les cheveux bouclés relevaient la beauté.

C'est à ces déesses qu'est confié le soin des routes célestes, marquées sur notre hémisphère ; elles savent prescrire des bornes au jour et à la nuit. Elles veillent aux portes du palais de Zeus, et reçoivent ses ordres pour régler les saisons, pour faire succéder aux noirs frimas, les premières douceurs du printemps ; aux charmes d'un été riant, les riches présents de l'automne. Les Pléiades quittèrent aussi la brillante région des airs ; et, réunies autour du fils de l'Aurore, elles mêlèrent leurs larmes à celles des autres divinités. Les coteaux voisins, et les rives du fleuve, répétèrent leurs lugubres accents.

L'Aurore Eos pleure son fils Memnon, tué par Achille.

L'Aurore Eos pleure son fils Memnon, tué par Achille.

Au milieu de ces Déesses, la fille de l'Air, penchée sur le corps de Memnon, prononça ces paroles d'une voix entrecoupée de mille sanglots : « Je perds avec toi, ô mon fils, tout le bonheur de ma vie ; puisqu'un destin jaloux te ravit à ma tendresse, je ne veux plus que mes doux rayons frappent les yeux des Immortels, j'irai cacher mon désespoir dans les sombres demeures où ton âme s'est retirée. Je punirai par mon absence le maître de la foudre, et le monde qu'il gouverne rentrera dans les ténèbres du chaos. Ne devais-je pas être préférée à la déesse des mers ; ne suis-je pas même égale à Zeus, moi dont les regards bienfaisants animent toute la nature ? Non, le fils de Cronos ne jouira plus de ma lumière, je descendrai dans les abîmes souterrains ; qu'il fasse sortir Thétis du sein des eaux, qu'il la place dans l'Olympe, et quelle éclaire les Dieux et les hommes ; pour moi je ne remonterai plus au Ciel, j'aurais horreur, ô mon fils, de briller aux yeux de ton meurtrier ».   

Elle dit, et des torrents de larmes inondant son visage radieux, baignent le corps de Memnon. La nuit elle-même sensible aux malheurs qui affligeaient l'Aurore, couvre de ses plus épaisses ténèbres et la terre et les plaines célestes. Les sujets de Priam, désespérés de la mort du roi des Ethiopiens et de l'absence de ses troupes, rentrèrent dans leur ville. La joie des Achéens victorieux, était mêlée de tristesse. Campés dans la plaine, ils voyaient le champ de bataille couvert de leurs plus braves guerriers, et parmi ceux-ci le malheureux Antiloque ; mais d'un autre côté ils applaudirent au succès du fils de Pélée, et donnèrent de magnifiques éloges à sa bravoure.

L'Aurore, s'entourant de sombres nuages, poussait de continuels soupirs ; elle voulait fuir loin des lieux où naît le soleil, et le séjour de l'Olympe lui paraissait odieux. Auprès d'elle gémissaient ses coursiers rapides ; mais indignés du repos, ils frappaient d'un pied rebelle, la terre qui n'avait plus pour eux les charmes de la clarté. Tout à coup Zeus fait entendre avec des éclats épouvantables, la voix de son tonnerre ; la terre est ébranlée ; la fille de l'Air tremble et pâlit, et les Ethiopiens achèvent à la hâte d'inhumer leur roi ; mais tandis qu'ils pleurent sur sa tombe, l'Aurore les change en oiseaux, qu'elle confie au vague des airs.

Ce sont ces mêmes oiseaux que tous les peuples nomment aujourd'hui Memnonides ; ils vont encore chaque année rendre hommage à leur prince ; ils lui marquent leurs regrets en couvrant de sable le monument où il repose, et en combattant entre eux, jusqu'à ce qu'ils l'aient arrosé de leur sang. Ainsi Memnon jouit d'un bonheur tranquille dans les paisibles demeures d’Hadès, ou dans les champs heureux de l'Elysée, et son immortelle mère contemple d'un œil satisfait la gloire de son fils.

Mais les Ethiopiens, même après leur métamorphose, semblent avoir conservé leur inquiétude ; par un instinct que leur imprime la fille de l'Air ; ils se déchirent mutuellement de leurs becs et de leurs ongles, jusqu'à ce qu'ils expirent sur le tombeau de leur roi.

Enfin l'Aurore se laisse fléchir par le cortège des Heures, déesses peu semblables entre elles, et malgré sa tristesse profonde, entraînée par la douce persuasion qui coulait de leurs lèvres, elle remonte au milieu d'elles et reprend dans les Cieux sa course accoutumée ; elle redoutait l'implacable courroux du souverain des Dieux, dont la puissance, sans bornes, a produit tout ce qui vit sur la terre ou dans le vaste Océan et tout ce qui existe dans ces régions immenses, où brillent les astres enflammés.

Les Pléiades avaient précédés le retour de l'Aurore ; celle-ci rallumant ses feux, ouvre les portes de l'Orient, et fait renaître le jour.

Fin du second Chant.

Tithon et Eos (l'Aurore).

Tithon et Eos (l'Aurore).

Laodicé (Sobil) dans le lit de Memnon.

Laodicé (Sobil) dans le lit de Memnon.

Memnon et Sobil (Laodicé).

Memnon et Sobil (Laodicé).

Guerre de Troie
Guerre de Troie
Guerre de Troie
Guerre de Troie
Les Memnonides naissent des cendres de Memnon.

Les Memnonides naissent des cendres de Memnon.

Les Memnonides.

Les Memnonides.

Les colosses de Memnon.

Les colosses de Memnon.

Les larmes de l'Aurore se changent en gouttelettes de rosée.

Les larmes de l'Aurore se changent en gouttelettes de rosée.

Le chant de la statue saluant la venue de l'Aurore.

Le chant de la statue saluant la venue de l'Aurore.

Guerre de Troie
Guerre de Troie
Guerre de Troie
Guerre de Troie
Guerre de Troie
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